[terminée] mackensie + keep calm and hack

Je sais ce que vous dites. Si je suis inscrite dans cette fac, c'est que de toute évidence, je suis une ratée, que j'ai carrément foiré mes études et qu'aucune fac ne m'a accepté. Et si je vous expliquais que ça n'est pas exactement la vérité ? La vérité c'est que je n'aurais jamais dû atterrir ici. Ca ne faisait pas parti de mes plans pour le futur, encore moins des plans que mes parents avaient pour moi. Mais commençons par le commencement.

J'ai toujours vécu à Sacramento et j'ai jamais vraiment quitté cette ville, sauf pour quelques voyages scolaires. Et encore, on allait pas très loin. Ma famille n'a pas spécialement les moyens de financer une école privée qui aurait pu m'emmener à l'autre bout du pays pour visiter les buildings géants de Manhattan vous voyez. Ma mère est femme de ménage et mon père tient une supérette dans laquelle j'ai bossé assez rapidement, parce qu'il fallait bien le faire et parce que c'était souvent le seul moyen d'avoir un semblant d'intimité hors de notre minuscule appartement. J'avais pas spécialement de "potes" à part des gamins du lycée mais honnêtement, j'en avais un peu rien à faire d'eux. On partageait pas grand chose et il s'est vite avéré que j'avais un QI bien plus élevé qu'eux -sans vouloir me lancer des fleurs, c'est juste les résultats de la psychologue scolaire. Mes parents avaient pas grand chose mais ils se sont toujours serrés la ceinture pour moi, pour me permettre d'être heureuse malgré tout et d'aller au bout de mes passions.

J'ai toujours aimé la technologie d'une manière générale. La programmation, le codage, le cryptage, tant de mots qui étaient inconnus pour mes parents et mes camarades de classe mais qui éveillaient déjà chez moi une curiosité sans fin. Alors vous imaginez ma joie quand pour mes 15 ans, j'ai reçu mon premier ordinateur. Ca n'avait rien d'exceptionnel, un vieux truc d'occasion. Mais ça me suffisait à tester mes connaissances théoriques et celles que j'avais pu déjà expérimenter sur un des rares ordis de mon lycée.

J'ai vite compris que j'avais un certain talent dans la maîtrise des nombres et dans la compréhension des langages de codage. Ca n'a pas été si compliqué que ça de me rapprocher de groupes de hackeurs de mon âge. Ca a été une chouette époque. On s'éclatait à dégommer des sites, à s'infiltrer dans leur sécurité. Et comme on était jeune et pas trop intéressé pour faire le bien autour de nous, on trouvait ça particulièrement marrant de pirater les adresses mail des gens qui nous menaient la vie dure au lycée. Parce qu'en tant que "geek", crois-moi le secondaire c'est loin d'être une partie de plaisir. Entre les moqueries sur mes fringues d'occasion, sur mon appareil dentaire et sur mes grandes lunettes, c'était vraiment pas la joie. Ajoutez à ça les sales coups qui apparemment amusent tout le monde -sauf moi, je tiens à le préciser- et vous avez de quoi me pousser à faire des conneries et à me venger dans l'ombre. Alors j'ai hacké leur adresse mail et à partir de là, rien de plus facile que de récupérer les mots de passe de tous les réseaux sociaux au passage et d'avoir accès à quelques cloud. Au début, je trouvais juste ça marrant, de voir les secrets des gens, pourtant si facilement accessible quand on s'y connait un minimum. Et puis j'ai commencé à devenir la justicière du web. "Batgeek justice", j'avais même ma page fan sur FB. Des gamins des quatre coins du pays m'expliquaient leurs histoires d'harcèlement scolaire, me filaient le nom de leurs persécuteurs et je déballais au grand public tout ce qu'ils tentaient de cacher.

A côté de ça, mes notes ne baissaient pas, je majorais partout et j'avais de bonnes chances d'être acceptée dans une très bonne université avec une bourse à la clé. Tout aurait pu être tellement parfait. J'aurais pu changer complètement de vie, être la première de ma famille à accéder à des études prestigieuses. Mais tout ça s'est écroulé comme un château de cartes. On a retrouvé ma trace. Ma soif de justice avait brouillé ma méfiance et j'avais laissé trop de portes ouvertes derrière moi pour pouvoir remonter jusqu'à la source de "Batgeek justice". Vous imaginez ma tête quand j'ai vu les flics assis à la table de mes parents, m'attendant tous avec une tête d'enterrement. J'ai pu m'en tirer avec quelques mois de travaux d'intérêt général puisqu'aucune de mes "victimes" n'avait décidé de porter plainte, plus désireux d'enterrer l'histoire qu'autre chose et que je n'étais même pas majeure. Le truc vraiment chiant dans cette histoire, c'est pas tant que j'ai passé l'été à ramasser des déchets sur le bord des routes dans un affreux gilet orange. Non, c'est surtout que tout était renseigné dans mon casier judiciaire. Autrement dit, je n'avais plus qu'à faire une croix sur ma bourse et sur les grandes fac. Retour à la case départ.

C'est comme ça que j'ai atterri ici. A la fac de Sacramento, à mon plus grand désespoir, loin de tous mes rêves. Vous voyez, rien à voir avec ce qu'on pourrait s'imaginer au premier abord. De l'avenir j'en avais. J'en ai peut-être toujours, j'en sais rien. Pour l'instant, je continue à me perfectionner dans mon coin, avec d'autres groupes de hackeurs, en tentant de camoufler mes traces aussi bien que possibles. C'est en se trompant qu'on apprend après tout. Mais quelque chose me dit que le monde du web n'a pas fini d'entendre parler de moi.