Barb' used to run fast... not anymore.

La sonnerie de la fin du cours retentit. 15h. Vite, je jette mon bloc note et ma trousse dans mon sac à dos et le jette sur mon épaule en me dirigeant vers la sortie de l'amphithéâtre. Bien qu'ayant choisi le cursus artistique, il m'est impossible d'échapper aux cours théoriques, à mon grand damn. Je lance un rapide signe d'au revoir à mes amis et je dévale les escaliers. Je n'ai qu'une toute petite demie heure pour rejoindre le Tower Theater où je bosse presque tous les soirs après les cours. En plus, ce soir, j'arrête mon service au cinéma à 20h pour pouvoir ensuite me rendre à l'entraînement de baseball d'un club amateur de Sacramento. C'est la course, je n'ai pas une minute à moi, mais c'est ainsi que je me sens bien. Et puis le travail au cinéma me plaît et l'entraînement de baseball... c'est le bonheur à l'état pur. Cette année, j'ai même en tête de créer une équipe de baseball unversitaire à Monroe mais je doute que tout joue en ma faveur. Autant mes professeurs me font remarquer que je suis douée dans les cours pratiques, en danse, sur scène, autant, mon dossier est nettement moins bon quand on regarde de plus près mes résultats dans les matières théoriques. Non pas que je ne m'intéresse pas à mes manuels scolaires ou à mes études mais soyons francs deux secondes: c'est en dansant que je me sens vivante, en entrant dans la peau d'un personnage que je me sens vibrer. Et le baseball, c'est mon défouloir, l'adrénaline lors des sprints, la précision et la concentration lors des tirs. Et quel bonheur d'entendre hurler "RUUUUUN" synonyme de victoire!

J'étais promise à une carrière professionnelle dans le monde du baseball. Je faisais partie des espoirs des Dodgers de Los Angeles. Ma ville natale que je chéris et chérirai toute ma vie. Quelle fierté c'était de représenter la cité des anges à travers le sport dans lequel je me sentais épanouie, valorisée, admirée même. C'était toute ma vie. Un gant et une balle reçues pour mes cinq ans par mon grand frère de dix ans (qui, soyons honnête, avait besoin de moi pour lui lancer la balle!), et j'avais attrapé la fièvre du baseball. Capitaine de mon équipe au collège, puis au lycée, présidente du club de baseball et capitaine, je n'avais envisagé aucune autre carrière. Pourtant, au sommet de mon ascension, à quinze jours de signer le plus gros contrat de ma vie avec les Dodgers, une chute avait été fatale. Fracture du tibia, en apparence rien de dramatique. On m'avait laissé croire que je serai sur pieds dans six mois, que je reprendrais des entraînements intensifs, que je recouvrai très vite mon niveau et ma condition physique. Alors pendant six mois, immobilisée, puis en béquilles et, enfin, avec une atèle, j'avais gardé une hygiène de vie impeccable, un esprit sportif dans un corps sain, comme je passais mon temps à le dire à mon frère qui s'inquiétait de me voir si stricte et sérieuse envers moi-même. Et plus il se préoccupait de moi, moins j'arrivais à le supporter.

Le baseball nous avait rapprochés et il était en train de nous séparer. Au fond de moi, je ressentais une jalousie amère envers lui chaque fois qu'il me racontait un match. Il se demandait pourquoi, peu à peu, j'avais cessé de venir le voir lors de ses matchs. Je cessais complètement d'aller jouer les supporters lorsqu'il signa un contrat avec les Giants de San Francisco. Cela coïncida quasiment avec la période où je pus retourner aux entraînements auprès des Dodgers qui, sans prendre de gants, m'ont tout simplement fait comprendre que malgré ma technique et mon niveau remarquable avant mon accident, j'avais perdu en condition physique, que les autres avaient entre temps progressé et qu'on avait trouvé une autre fille plus charismatique et amusante que moi pour en faire la vedette de l'équipe. Je me sentis brisée, nulle de toute reconnaissance, vide de toute passion et désir pour l'avenir. À partir de là, ma relation avec mon frère s'empira. Il ne supportait pas mon silence ce qui le rendit envahissant et insistant. Plus il l'était, plus je m'éloignais. J'avais même cessé par rendre visite à mes parents quand je savais qu'il serait là. Je vivotais de petit boulot en petit boulot. Face à l'inquiétude grandissante de mes parents, j'avais préféré quitter le foyer familiale et m'étais trouvé un studio à mon image. Même si j'avais le mal de mon frère et mes parents, les premiers pas de l'indépendance avait redonné un goût de fraîcheur à ma vie et je commençais à croire qu'après tout, je pouvais être bonne à autre chose qu'au baseball...

Le réveil sonne et je ronchonne en posant le gros oreiller carré sur mon visage, les bras croisés par dessus. Je me suis encore couchée trop tard... Je sens une légère pression qui se répète plusieurs fois sur le dos de ma main et je sors un œil de sous le coussin en souriant à mon chien, Spooky, un magnifique husky blanc tigré gris clairs entre les oreilles, aux yeux vairons bleu et vert. Je passe mes bras autour de son encolure et enfouit mon nez dans sa fourrure réconfortante. Spooky, c'est ironique, je crois que de nous deux, c'est lui le plus peureux. Dire que mon but premier en arrivant à Sacramento était d'avoir un chien pour lutter contre la solitude et me rassurer dans une ville inconnue en me disant qu'au moins, un gros chien serait sans doute capable de me défendre au besoin. Mais je n'avais pas résisté à cette petite boule de poils blanche au regard si particulier et déjà aimant. Mon cœur l'avait déjà adopté sans que j'ai eu le temps de cligner des yeux ! Âgé de trois ans à présent, j'étais fière de l'éducation que je lui avais donné ce qui me permettait de partager beaucoup de choses avec lui.

Je ris quand il me poussa doucement de son museau. Je le grattais entre les oreilles avant de me lever. J'allais me rafraîchir dans la salle de bain avant d'enfiler un jogging. Je servis son petit déjeuner à Spooky – c'est à dire une bonne ration de croquettes! - avant de me préparer un thé aux fruits rouges et deux tartines de pain grillés avec du beurre. La semaine, je n'avais pas le temps, mais le weekend, c'était crêpes, gaufres ou pancakes ! Un régale... Je bus rapidement mon thé et me brûlais un peu au passage, mais je ne m'en souciais pas, j'enfilais déjà mes rollers. J'accrochai sa laisse à Spooky, mis mon casque, puis nous sortîmes en direction du parc. Je laissais mon chien courir en m'accrochant, appréciant l'adrénaline de sa course en étant perchée sur mes rollers. Sacramento se réveillait doucement, et je profitais encore du calme et du soleil levant pour me ressourcer. Ces moments-là me donnaient l'espoir d'une ville meilleure, d'un sentiment de paix retrouvé depuis que j'étudiais la danse et le théâtre à Sacramento. J'étais désormais en troisième année et m'y sentais bien. Sportive, exigeante et passionnée, ce cursus m'avait paru être une évidence quand, au détour d'une gare, en attendant un train en retard pour San Francisco, enfin décidée à rendre visite à mon frère, je m'étais mise à feuilleter les prospectus posés dans le hall. Monroe University semblait me tendre les bras. Pas si éloignée de Los Angeles, mais quand même assez loin pour éviter ma vie passée, je changeais mon billet et pris le premier train pour Sacramento. Et ce fut un aller simple...