Sofia - It's about the sweat in your hair and the blisters on your feet

Elle baissait les yeux d'un air anxieux. Le dos collé contre le tableau noir, elle triturait nerveusement la craie sans oser écrire quoique ce soit au tableau. Elle jetait quelques coups d'oeil paniqués à ses camarades de classe, qui d'un large sourire moquer venaient à s'esclaffer. Ce n'était pas méchant. C'était drôle. Drôle parce que la petite Sofia était apeurée devant la posture imposante du professeur. Le soir, elle rentrait enfouir son nez rougi par les pleurs dans l'épaule de sa grande soeur Angelina. Celle-ci passait doucement le plat de sa main sur la chevelure brune de sa cadette:

“ Tout va bien, Sofia... Tu sais quoi? Je vais t'emmener dans un lieu magique.
- Où ça?, hoquetait-elle d'une voix sanglotante,
- Surprise. ”

Ce fut donc main dans la main qu'Angelina entraînait sa jeune soeur, saisissant fermement les clés de ce lieu dit magique. Deux portes immenses, semblant d'acier, se confrontaient devant la fine silhouette de Sofia. D'un geste bref, elles poussèrent en choeur la porte et s'aventurèrent dans des gradins. Une vaste étendue de gazon artificiel s'étendait devant ses yeux ébahis. Les sièges déserts étaient innombrables, si bien que Sofia y perdait son regard. Désignant des cages au filet soigneusement tendu, la grande brune présenta la situation à la benjamine:

“ C'est ici que papa travaille, tu vois. Il donne des cours de foot. C'est beau, hein? Je savais que ça te plairait, toi qui aime tant courir... Si les cours, c'est pas ton truc, tu as le sport ma cocotte. ” conclut-elle en tapotant le haut du crâne chevelu de l'enfant.

Ca y est. Sofia avait trouvé sa vocation. Le sport était fait pour elle, et elle était faite pour le sport. Pour les sensations, pour l'extrême, pour la chaleur, pour le froid, pour la douleur, pour l'intensité. Pour le frisson.

Ses baskets blanches foulaient l'herbe fraîchement coupées. Courant à fière allure, la jeune fille désormais adolescente s'entraînait sur le terrain plongé dans la pénombre. Devant elle, se tenait un autre lycéen. Un grand brun qui essoufflé semblait s'être arrêté aux barrières pour respirer. Elle ignora cet homme. Cet homme était pourtant l'homme de sa vie: William. Alors, chaque soir, ils se donnaient indirectement ce petit rendez-vous sans ne s'être jamais parlé. Ils venaient courir après les cours: se défouler. Ils ne se disaient rien. Ils couraient, se jetaient quelques coups d'oeil discrets sans s'aborder. Comme si dire l'évidence la briserait. Ils s'attiraient l'un l'autre. Et puis, il y eut ce soir, où d'un large sourire, William l'avait attendu au milieu de la piste. Assis entre deux colonnes, il gardait son sac gris et mou entre ses genoux. Le rejoignant en trottinant, Sofia finit par s'asseoir face à cet inconnu qui lui était pourtant déjà si cher, de par leur passion commune.

“ Salut. Moi c'est William.
- Hey... Sofia. Whaouh, c'est vraiment bizarre. Moi qui pensais que tu resterais l'inconnu du soir.
- L'inconnu a maintenant un nom, laissa-t-il échapper entre deux sourires chaleureux.
- Voilà qui me rassure.”

Ainsi se poursuivit amicalement la discussion. Cette discussion dura plusieurs mois jusqu'à être interrompue par leur premier baiser. Premier et dernier garçon que Sofia eut un jour embrassé. Trop sage, ou fidèle, les jugements variaient souvent lorsqu'elle évoquait ce fait. Elle en fut pourtant toujours très fière car William était William. Le beau, l'intelligent, le sportif, le merveilleux William. Avec ses défauts, certes. Mais des défauts que jamais Sofia n'eut cessé d'idolâtrer.

Ses doigts fébriles effleuraient le papier fin du bulletin. A ses côtés, brillaient de mille feux les notes excellentes de William. Elle plongea son regard impuissant de celui de son amoureux qui se devait d'être rassurant. Un silence lourd pesait sur les deux âmes éperdues d'amour l'une pour l'autre. Dans son esprit brouillé, résonnait des tonnes d'hypothèses. Et si c'était la fin? Et si le destin voulait les séparer? Ses notes si basses lui valaient de ne pas avoir accès même aux plus simples écoles du Texas. Entourant Monroe au surligneur dans le catalogue de la conseillère d'orientation, Sofia avait choisi une voie. Peu glorieuse. Peu prometteuse. Mais, ce n'était plus que le seul chemin qui s'offrait à elle. Retenant avec peine ses larmes, elle interrogeait William sans oser le regarder:

“ C'est la fin..?
- Que-quoi? Mais non. On... C'est plus compliqué que ça, voyons... Et il y a, les relations à distance.
- Celles qui foirent tout le temps? William... Je t'aime, mais est-ce que ça ne risque pas de briser quelque chose?
- T'as raison... Alors quoi? Je pars en Angleterre ou je ne sais où pour obtenir un merveilleux diplôme? Et ensuite quoi? J'aurais perdu ce qui m'importe le plus. Et de l'autre côté, j'ai Monroe... Ca ne nous promet pas un avenir professionnel. Sans parler de mes parents, à bout de nerfs, il passait sa main tremblante sur son front chaud d'hésitations.
- Mais l'avenir, c'est toi et moi. ”

Approchant ses lèvres des siennes, Sofia vint timidement l'embrasser. Si scolairement, William et Sofia étaient amenés à s'éloigner, sentimentalement, ils étaient plus proches qu'ils ne l'avaient jamais été.

Alors, ils vécurent heureux dans la villa des RunFast, confrérie dont ils furent par la suite les présidents... Mais ce n'était pas la fin. Monroe leur réservait encore bien des tours.