Nemrod - Et si je vous dis que vous êtes deux glands, là, vous avez du péremptoire.

J'ai vécut neuf ans à Tev-Aviv. J'y ai encore beaucoup de souvenirs de notre maison, de la rue par laquelle passait les étudiants et du marché d'à côté. Pour aller à l'école, nous passions toujours par la maison de la vieille. Elle avait un chien énorme. Une grosse bête qui aboyait à en réveiller les morts, dès que nous passions trop près du portail. Nous nous amusions à l'embêter. On passait à côté, on revenait, on l'appelait jusqu'à ce qu'il vienne nous accueillir. Même les jours où nous n'avions pas école, nous venions. Souvent, la vieille dame sortait de chez elle en hurlant et nous insultant de fils de putain. Ça nous faisait rire.

Un jour, la porte était ouverte et nous avions couru comme des fous pour échapper au chien. Nous avions réussi à nous réfugier dans le bloc d'un bâtiment et on s'amusait à lui faire des grimaces, derrière la vitre. Quand ce chien est mort, moi et mes amis sommes allés voir la vieille. Quand elle nous a vu arrivé, elle nous a reconnu. La bande des voyous qui terrorisait son sale clébard. Alors, elle a levé sa canne très haut, cria très fort et tenta de frapper l'un de nous. Nous étions rapides comme des diables. Je l'ai poussé et nous nous sommes enfuis, laissant au sol et derrière nous un petit panier. Il contenait toute notre réserve de bonbons. On l'aimait bien ce chien, nous.

"Non, non, non ! C'est pas possible. C'est un cauchemar... C'est la quatrième fois... Elle ne pourra pas supporter une nouvelle chimio..."

Mon père avait pleuré, cette nuit-là. Je suis descendu et quand il m'a vu, il m'a crié de retourner dans ma chambre. Alors, j'y suis retourné. Mais, ça ne m'a pas empêché d'écouter aux portes. Je ne savais pas exactement ce que c'était qu'un cancer. Je n'avais que huit ans. Mais, je savais que c'était grave, que ça s'attrapait à cause de la cigarette et que ça concernait ma mère. Ma mère n'avait jamais fumé. J'ai eu peur parce que mon père ne pleurait jamais. Il avait toujours sut trouver les mots pour rire. Jamais angoissé. Jamais stressé. Mon père ne pleurait pas. Quand ma mère m'a annoncé avec ses yeux vitreux et son sourire triste que nous allions voir mes oncles, en Amérique, j'ai sauté de joie. J'ai senti que ça lui faisait plaisir. Mais, avec le recul, je ne peux pas m'empêcher de me sentir un peu coupable. Même si j'étais jeune. Même si je ne comprenais pas.